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Retour sur l’Année internationale des langues autochtones

17 décembre 2019

L'Honorable Melanie Mark, ministre de l'Éducation supérieure, des Compétences et de la Formation, de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, s'adresse aux participants de la 58e Assemblée générale annuelle de la CCUNESCO, en juin 2018.

Cet article de blogue a été rédigé par Sébastien Goupil, secrétaire général de la Commission canadienne pour l'UNESCO.

L’année 2019 tire à sa fin et avec elle se terminera l’Année internationale des langues autochtones. Comme il s’agit d’un moment propice pour réfléchir à nos actions et prendre des engagements pour le futur, nous avons souhaité revenir sur nos efforts pour avancer l’esprit de cette importante Année avec nos membres, nos réseaux et nos partenaires.

Pourquoi l’ONU a-t-elle dédiée une année aux langues autochtones?

Rappelons d’entrée de jeu que les années et les décennies internationales sont de puissants mécanismes de coopération utilisés par les Nations Unies pour attirer l’attention des décideurs et du grand public sur des enjeux complexes qui réclament à la fois une prise de conscience collective et des engagements concrets. L’Année internationale des langues autochtones a été l’occasion de mettre en lumière un droit déjà reconnu dans l’article 13 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et dans l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

On ne devrait pas se réjouir que les Nations Unies aient eu à consacrer une année entière à la question des langues autochtones. Il s’agit d’un cri du cœur; d’un appel urgent à agir. La promulgation de cette année trahit surtout la difficulté, le manque de volonté ou l’incapacité des États et des institutions à prendre des mesures législatives, politiques et programmatiques proactives et ambitieuses pour stopper l’éradication et la marginalisation des langues et des cultures autochtones à travers le monde.

Au Canada, les politiques coloniales et racistes mises en place, notamment dans le cadre du système des pensionnats destinés aux enfants autochtones, sont responsables de la situation qu’on connaît aujourd’hui. Dans un article intitulé Les langues autochtones : un droit fondamental à défendre, l’activiste kanien’kehá:ka (mohawk) Ellen Gabriel évoque, à l’instar de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, un génocide culturel. Elle rappelle que le système des pensionnats « utilisait la honte culturelle comme arme psychologique pour empêcher les enfants autochtones de parler leur langue maternelle ». On sait aujourd’hui que la perte de ces piliers identitaires que sont la langue et la culture a occasionné des traumatismes graves et multigénérationnels aux conséquences toujours dévastatrices et visibles.

Tout n'est cependant pas perdu. Partout au pays, les Premières Nations, les Métis et les Inuits travaillent d'arrache-pied pour maintenir, préserver et revitaliser leurs langues. Malgré les nombreuses difficultés et un grave manque de ressources, les communautés s'emploient à produire des locuteurs plus aptes à parler couramment, à élaborer des ressources qui reflètent leurs cultures et leurs systèmes de valeurs et à documenter les langues pour les générations futures.

La société civile : une alliée essentielle pour avancer l’esprit de l’Année internationale

Pour que ce travail avance, la société civile doit jouer un rôle de soutien en étant bien informée et en aidant à créer les conditions propices à l'épanouissement des langues autochtones. Cette responsabilité partagée est centrale à la poursuite des efforts de réconciliation.

À la Commission canadienne pour l’UNESCO, notre mandat nous confère à la fois une obligation et une autorité morales pour agir en mobilisant et travaillant avec un vaste éventail de partenaires pour défendre et promouvoir les droits des peuples autochtones, y compris celui de jouir des bienfaits et de la sécurité que confère la maîtrise de sa langue et de sa culture.

Depuis 2018, nous nous sommes donc investis à soutenir activement les objectifs de l’Année internationale des langues autochtones. Notre engagement, qui a pris des formes multiples, s’est appuyé sur nos nombreux partenaires afin d’élargir le mouvement de soutien pour la protection, le maintien et la revitalisation des langues autochtones.

Efforts de sensibilisation

Nous avons par exemple organisé un symposium sur les langues autochtones, question de conscientiser nos membres et les représentants de nos réseaux et de les inviter à devenir de puissants alliés. Nous voulions surtout faire entendre les voix de nos partenaires autochtones; leur faire savoir que nous sommes à leurs côtés, y compris pour éduquer des publics divers à ce qui peut et doit être fait pour appuyer le travail en cours au sein des nations et des communautés autochtones.

Pour marquer le 11e anniversaire de la DNUDPA, nous avons publié avec le soutien de la professeure Onowa McIvor une fiche de référence sur les langues autochtones. Ce document attire l’attention sur les gestes concrets que toutes et tous peuvent poser au quotidien pour contribuer activement aux efforts de revitalisation. L'Université de Victoria a eu l’excellente idée d’animer notre feuillet pour étendre la portée du message.

Ces gestes concrets passent également par la sensibilisation aux langues, histoires, cultures et réalités des peuples autochtones au Canada. Et c’est exactement l’objectif de l’initiative Parlons réconciliation que nous avons lancée en collaboration avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation, Bibliothèque et Archives Canada, l’Office National du Film et le Wapikoni mobile. Grâce à un partenariat avec le Comité des questions autochtones de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques, des dialogues autour de la projection d’un film réalisé par des réalisatrices ou réalisateurs autochtones continuent d’être organisés à travers le pays.

Nos réseaux ont aussi été mis à contribution, telles que les réserves de biosphère et les Géoparcs mondiaux de l’UNESCO. La série de documents de réflexion et de vidéos sur la réconciliation en action montre de façon éloquente le rôle important que peuvent jouer les sites désignés par l’UNESCO au Canada et ailleurs dans le monde. À ces efforts s’ajoutent deux campagnes de sensibilisation qui ont permis de rejoindre des milliers de personnes sur nos réseaux sociaux et ceux de nos partenaires. Un autre projet est en cours pour aider les Canadiennes et Canadiens non autochtones à mieux comprendre les enjeux liés au maintien et à la revitalisation des langues autochtones. Le projet fournira également des salutations et des réponses respectueuses dans les langues de plusieurs territoires traditionnels.

Partage d’outils et de bonnes pratiques

En plus d’avoir intégré les questions relatives aux langues, aux cultures et aux savoirs autochtones de façon transversale dans nos secteurs d’activités, nous avons soutenu tout un éventail d’initiatives, y compris le partage d'information et la promotion de bonnes pratiques en matière de revitalisation et de maintien des langues autochtones, l’une des grandes priorités de l’Année internationale.

Nous avons appuyé la conférence internationale HELISET TŦE SḰÁL (Laissons vivre les langues) organisée par le First Peoples’ Cultural Council de la Colombie-Britannique pour rassembler des apprenants et gardiens de la langue des quatre coins du monde. Nous avons soutenu le colloque du Centre des Premières Nations Nikanite dont nous publierons bientôt les principales conclusions. Nous appuyons l'organisation en février 2020 du Symposium sur les langues autochtones du Wapikoni et du RICAA, le Réseau international de création audiovisuelle autochtone, qui permettra de réfléchir au rôle du cinéma et des arts médiatiques dans la promotion, la sauvegarde et la revitalisation des langues.

D’autres initiatives méritent d’être soulignées. Notre Commission s'est par exemple associée au Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et à de nombreux autres partenaires pour accueillir le premier Dialogue nord-américain sur la diversité bioculturelle. La réunion a servi à mettre en lumière les liens entre les dimensions biologique, culturelle et linguistique de la diversité et leurs incidences sur la gestion des ressources et les processus décisionnels.

Reconnaissant l’apport inestimable du patrimoine documentaire pour sensibiliser et éduquer, nous avons aussi mis à contribution notre Registre de la Mémoire du monde du Canada. Le Registre met en valeur des collections qui ont une signification exceptionnelle pour notre pays. Le Registre s’est depuis enrichi d’importantes inscriptions qui ont un lien avec les langues autochtones, que ce soit les archives du Centre national pour la vérité et la réconciliationle fonds Ida Halpern du Royal BC Museum ou les livres anciens en langues autochtones (1556-1900) préservés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Plusieurs autres projets d’inscription sont présentement à l’étude.

La place critique des langues et des cultures autochtones est aussi reflétée dans plusieurs autres initiatives et publications que nous avons lancées en 2019. Par exemple, nous avons publié À cœur ouvert – La radio autochtone au Canada avec Indigenous Culture and Media Innovations. Ce document de recherche original examine la situation actuelle de la radiodiffusion autochtone au Canada et explore les mesures critiques à prendre pour maintenir un écosystème essentiel aux efforts de revitalisation. Un guide intitulé La réconciliation avec les peuples autochtones - une approche holistique a été développé pour soutenir le travail de la Coalition des municipalités inclusives. Nous sommes d’avis que les gouvernements de proximité ont un rôle critique à jouer dans la réconciliation, y compris en aidant à normaliser la présence dans le tissu urbain des langues autochtones et en favorisant leur utilisation.

Des efforts qui doivent être soutenus pour les années à venir

Nous sommes fiers des efforts que la Commission a déployés pour avancer les grands principes mis de l’avant par les Nations Unies et l’UNESCO dans le cadre de l’Année internationale des langues autochtones. Nous sommes conscients que ces efforts ne doivent pas prendre fin en 2019. C’est pourquoi nous sommes résolument engagés à poursuivre notre travail et à exiger que nos membres et partenaires fassent aussi preuve d’exemplarité.

Nous nous réjouissons déjà du travail entrepris pour demander aux Nations Unies de déclarer une Décennie internationale des langues autochtones. Cette décennie est essentielle pour favoriser des actions concrètes et mobiliser des financements pour la sauvegarde et la revitalisation des langues et des cultures.

Nous savons que les langues et les cultures sont essentielles à l’épanouissement et au bien-être des peuples autochtones au Canada et à travers le monde. Elles le sont tout autant pour assurer à l’ensemble de notre humanité un avenir plus durable.

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