La terre parle – et les langues autochtones nous permettent de la comprendre. Véritable patrimoine vivant, les langues sont les piliers et la culture qui illuminent les relations et les interactions avec la terre et les lieux. Lorsque l’une d’elles s’éteint, c’est une vision du monde et une façon d’interagir avec lui qui meurent avec elle.
Malheureusement, partout sur terre, les langues disparaissent à un rythme alarmant : des quelque 7 000 langues qui se parlent encore aujourd’hui, 40 pour cent risquent de disparaître, la plupart d’entre elles autochtones. En fait, les linguistes prédisent que près de 90 pour cent des langues du monde pourraient s’éteindre d’ici la fin du siècle.
Les effets prolongés du colonialisme ont eu des répercussions sur la capacité des peuples autochtones à protéger et à transmettre leurs cultures et leurs langues. Malgré ces forces destructrices, la survie des cultures et des langues atteste de l’incroyable résilience des peuples, des communautés et des nations autochtones.
En réponse à cette crise, l’UNESCO a lancé la Décennie des langues autochtones (2022-2032). Le besoin est urgent, et la mission est claire : bâtir une communauté mondiale pour aider à préserver, à revitaliser et à soutenir les langues autochtones aux quatre coins du monde.
Nit’anicinabe icita8inan odehi nit’icikice8in, ni kacka emitaman, kitci nepitci tak8ak ka ici netimiak, ka ici inapitamak enikokwakamigak, kitci miseiapitamak kitci manatcito8atc ka mamakatentakok acitc e icinagosiak nit’acinabe akinan.
(Notre langue est le cœur et l’âme de notre culture, car elle permet de communiquer entre nous, de perpétuer nos concepts, notre vision du monde, de façon holistique tout en respectant l’unicité et les caractéristiques propres à nos communautés respectives. La langue nous unit et nous rassemble.)
Récupéré sur : Minwashin
Les langues pour le développement durable
Ces langues sont importantes pour le développement, la consolidation de la paix et la réconciliation. Elles ne sont pas seulement des outils de communication, d’éducation, d’intégration sociale et de développement, elles sont aussi les dépositaires d’identités uniques, d’histoires culturelles, de traditions et de mémoire. Les langues contribuent significativement à la riche diversité culturelle du monde et font partie du patrimoine collectif mondial. Leur préservation est une obligation éthique pour la société et est essentielle à la sauvegarde de la dignité individuelle.
De plus, il existe un lien direct entre la revitalisation des langues autochtones et huit des objectifs de développement durable, de même qu’un lien indirect avec sept autres.
La contribution des savoirs autochtones à la lutte aux changements climatiques, à la biodiversité, à la sécurité alimentaire, à la gestion du territoire et de l’eau et à la santé est non seulement incontestable, mais aussi essentielle, alors que nous entamons la dernière décennie d’actions pour mettre en œuvre le Programme 2030 pour le développement durable.
Les langues : un droit de la personne
Au-delà de ces impératifs, l’apprentissage, l’usage et la transmission d’une langue sont des droits fondamentaux. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones précise que les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
La Déclaration recommande aussi que les États prennent des mesures efficaces pour protéger ces droits et faire en sorte que les peuples autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des services d’interprétation ou d’autres moyens appropriés.
Au Canada, 6 des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada portent sur les langues – reconnaissance des droits en matière de langues, promulgation d’une loi protégeant les langues autochtones, programmes postsecondaires en langues autochtones. La CVR soutient que les langues autochtones représentent « une composante fondamentale et valorisée de la culture et de la société canadiennes » et qu’il est urgent de les protéger. Elle conclut aussi que la protection des droits linguistiques fait partie du processus de guérison à la suite des ravages causés par les pensionnats.
La Loi sur les langues autochtones, qui découle des Appels à l’action, est entrée en vigueur en 2019, rendant possible l’exercice des droits linguistiques autochtones grâce à l’assurance juridique de financement adéquat, durable et à long terme et du soutien des initiatives autochtones destinées à se réapproprier, revitaliser, maintenir et renforcer les langues autochtones.
Notre réponse
Au cours de la prochaine décennie, la Commission canadienne pour l’UNESCO continuera de collaborer avec les peuples, les communautés et les organismes autochtones pour soutenir la protection, le maintien et la revitalisation des langues autochtones. L’appui des langues est un acte de réconciliation, et celles-ci sont essentielles pour assurer un avenir durable.
En reconnaissance des langues comme piliers de l’identité et de la culture – et du fait que la protection de la diversité linguistique et celle de la diversité biologique vont de pair –, nous adoptons une approche holistique pour favoriser l’atteinte des objectifs de la Décennie des langues autochtones des Nations Unies. Nous invitons tous les secteurs à apporter leur contribution.
À partir de certaines des interventions clés de l’Année internationale des langues autochtones de 2019, durant la Décennie, nous allons :
- sensibiliser le monde à l’importance des langues autochtones et renforcer les droits des locutrices et des locuteurs, le lien avec la vérité et la réconciliation et la valeur que représente la diversité linguistique pour l’humanité;
- transmettre des connaissances et mobiliser des ressources en encourageant des initiatives et des réseaux qui mettent en valeur des pratiques et des outils prometteurs;
- participer aux initiatives de développement des capacités en partenariat avec des communautés et des organismes autochtones;
- générer de nouvelles connaissances en mobilisant et en utilisant la communauté de recherche internationale.
Il nous encourage de savoir que d’autres organismes, communautés et personnes sont déjà à pied d’œuvre pour promouvoir, sauvegarder et revitaliser les langues autochtones. Nous avons mis en place un groupe de travail de leaders linguistiques et d’organismes de défense des langues autochtones pour orienter notre travail. La CCUNESCO travaille avec ce groupe pour cerner les enjeux et diriger nos efforts vers l’avancement des objectifs de la Décennie. En cette première année, c’est un honneur pour nous de collaborer avec des leaders linguistiques inspirants et emballés du travail que nous continuerons à réaliser ensemble pendant cette Décennie mémorable.
Faits saillants de l’année 1
- Lancement canadien de la Décennie : Langues des territoires
À l’occasion du Jour de la Terre, la CCUNESCO a collaboré avec le Conseil des arts du Canada et la Société géographique royale du Canada (SGRC) pour organiser le lancement de la Décennie, où ont eu lieu un partage culturel et des prestations musicales de Beatrice Deer, d’Emma Stevens et de Zachary Willier, et où Son Excellence la très honorable Mary Simon, gouverneure générale du Canada, a prononcé un puissant message d’espoir. Cet événement a été accueilli par le chef Perry Bellegarde, président d’honneur de la SGRC, et s’est accompagné d’un puissant cercle de discussion intergénérationnel présenté par le chef Wilton Littlechild et tenu sous les auspices de Lorna Wanosts’a7 Williams, Ph. D. Vous pouvez visionner les faits saillants de l’événement sur cette page (en anglais seulement). - Webinaires:
- Gikinoo'amaadiwinan (apprendre les uns des autres): En partenariat avec l’École de la fonction publique du Canada, la Commission a organisé un webinaire – interprété en ojibwé – où plus de 2 500 fonctionnaires ont appris comment il leur était possible de soutenir et de promouvoir les langues autochtones au travail.
- Les écoles UNESCO en action : mobilisation pour la Décennie internationale des langues autochtones
- Vernissage de l’exposition Nin à l’UNESCO
La Commission a appuyé le lancement de l’exposition Nin, Je suis, I am, créée par Minwashin, au siège social de l’UNESCO, à Paris. L’exposition rend hommage à la langue et à la culture anicinabek. - Organisation et participation de la CCUNESCO pour diverses tables rondes, dont :
- le Festival TransAmériques : L’expression vivante des Premiers peuples
- le festival KWE! : mot d’ouverture et participation à une table ronde
- Forum sur les langues de l’Assemblée des Premières Nations : co-présentation avec Tom Johnson : Ikanita’nej (Let’s Lead Together)
- Sommet des arts de l’Arctique : Perspectives intergénérationnelles sur les langues, la terre et l’art :Honorer la Décennie des langues autochtones des Nations Unies
- Publications