L’UNESCO a récemment proclamé le 14 mars « Journée internationale des mathématiques » (JIM). Cette date, qui s’écrit en anglais 3/14, fait référence aux premiers chiffres de la constante Pi. Célébrée pour la première fois le 13 mars 2020 (parce que le 14 est un samedi), la JIM met en lumière le rôle irremplaçable que jouent les mathématiques dans toutes les dimensions de notre vie. À cette occasion, plusieurs événements, au Canada et ailleurs dans le monde, permettent à des jeunes de découvrir ce rôle.
Les mathématiques expliquent le monde
Les mathématiques sont partout – c’est d’ailleurs le thème de la première JIM. Vous doutez de leur omniprésence? Ce site Web créé par l’Union mathématique internationale, qui coordonne la JIM, vous en convaincra : elle présente de façon ludique une trentaine de sujets sur lesquels les sciences mathématiques apportent un éclairage étonnant.
Ces capsules d’information touchent bien sûr des thèmes liés aux technologies, tels que l’intelligence artificielle, la cryptographie ou les jeux vidéo. Mais les technologies sont loin d’être le seul champ d’application des maths. Vous apprendrez que les calculs mathématiques sont tout aussi précieux dans l’analyse des épidémies, le dessin de cartes géographiques et même… la conception de montagnes russes!
L’environnement est un autre domaine auquel les mathématiques fournissent des outils indispensables. C’est ce que met en évidence Christiane Rousseau, une Canadienne qui a entièrement piloté la proclamation de la Journée internationale des mathématiques par l’UNESCO.
La passion d’une mathématicienne au service de la Terre
En 2013, Christiane Rousseau a mis sur pied et dirigé l’initiative Mathématiques de la planète Terre 2013 (MPE203), qui a bénéficié du patronage de l’UNESCO et a en quelque sorte préfiguré la JIM. L’initiative, de l’ampleur d’une année internationale, explorait les innombrables applications des mathématiques à l’étude de notre planète, de ses écosystèmes et de son organisation par l’homme. « C’est devenu pour moi une passion d’essayer de comprendre les mathématiques derrière les enjeux planétaires et de diffuser ces problèmes de recherche dans la communauté scientifique, » explique-t-elle.
En rencontrant de nombreux élèves du collégial dans les années qui ont suivi, l’ex-professeure de mathématiques à l’Université de Montréal a été frappée par une constatation : les applications des mathématiques les intéressent beaucoup plus que la discipline elle-même. Plus récemment, quand on parle aux jeunes des changements climatiques, leurs yeux s’allument. Ils se sentent directement touchés et sont hautement réceptifs aux façons dont les mathématiques peuvent aider nos civilisations à affronter l’un des plus grands défis de l’humanité : prévenir la crise environnementale et se préparer à ses effets.
« Quand les jeunes me demandent quoi faire, je n’ai pas de réponse toute faite, explique-t-elle. Je suis plutôt là pour leur faire prendre conscience des outils scientifiques qui existent et qu’ils pourront mettre à profit, dans un contexte interdisciplinaire, pour trouver des solutions. »
Des calculs utiles pour favoriser le développement durable
Les systèmes planétaires sont éminemment complexes. De nombreux facteurs interagissent en permanence : océans, atmosphère, glace, sols, écosystèmes, etc. Pour comprendre le passé de notre planète et prévoir ce qui l’attend, nous devons construire des modèles mathématiques puissants.
L’étude du climat, en particulier, se prête bien à la modélisation mathématique. Voici quelques questions auxquelles de savants calculs pourraient répondre :
- La banquise arctique a-t-elle passé un point de non-retour ? Si oui, depuis quand ? Avec moins de glace en été, la surface de l’eau absorbe davantage de chaleur, ce qui ralentit la formation de glace en hiver, et ainsi de suite. Cette boucle de rétroaction peut créer un point de bascule à partir duquel l’équilibre est rompu : il faudrait que la température diminue pendant plusieurs années consécutives pour que le phénomène s’inverse.
- Comment tirer le meilleur des énergies renouvelables ? Leur substitution aux énergies fossiles diminue de façon importante les émissions de gaz à effet de serre, mais elles ont quand même une empreinte environnementale et un coût de production et de distribution. De plus, la production de certaines sources d’énergie renouvelable fluctue selon les cycles du temps ou la météo, ce qui exige une planification minutieuse pour apparier la production et la consommation.
Certaines questions sont beaucoup plus difficiles et tiennent encore en échec les chercheurs, ce qui explique la grande incertitude autour des prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). En voici deux :
- De quels nuages le ciel des prochaines décennies sera-t-il fait ? « Une couverture nuageuse épaisse protège la Terre de la chaleur solaire, alors qu’un voile de nuages très fins, au contraire, accentue l’effet de serre », note Christiane Rousseau.
- La fonte des glaciers va-t-elle accélérer leur descente vers les océans ? Si les glaciers de l’Antarctique fondaient entièrement, le niveau des mers pourrait augmenter de plus de 60 mètres. Même si les glaciers ne disparaissent pas, une fonte partielle pourrait les faire glisser dans l’eau, causant ainsi une hausse du niveau de l’océan bien plus rapide que celle causée par leur fonte.
Pour aborder ces questions complexes, les sciences mathématiques nous offrent une trousse à outils mal connue, mais indispensable et toujours en développement. Selon Christiane Rousseau, ces exemples devraient nous inviter à repenser notre façon de voir les mathématiques.
Elles font partie de la culture universelle. Elles sont partout, derrière chaque technologie qui nous entoure, dans l’organisation de notre société, ainsi que dans la transition vers le développement durable. Les célébrations de la Journée internationale des mathématiques sont une invitation à découvrir leur pouvoir créateur. - Christiane Rousseau