Alors que des chercheurs des quatre coins du monde sont dans une course contre la montre pour comprendre, traiter et éradiquer la COVID-19, nous nous remémorons l’importance de la science, notamment en ce qui concerne notre instinct de survie et notre capacité à donner un sens au monde qui nous entoure.
Bien qu’il soit établi que la science est l’art de la recherche, une série d’articles publiés par la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) renverse la situation et soulève quelques grandes questions au sujet de la science elle-même :
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Qu’est-ce que la science?
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À qui s’adresse-t-elle?
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Par qui devrait-elle être créée?
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Avec qui est-elle partagée?
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Comment comprenons-nous le « bien-fondé » d’une recherche scientifique?
Qu’est-ce que la science?
La Recommandation de l’UNESCO concernant la science et les chercheurs scientifiques adoptée en 2017 propose une définition. Elle décrit la science comme étant un moyen nous permettant :
- de découvrir et de maîtriser la chaîne des causalités, les relations ou les interactions;
- d’établir un lien entre les groupes de connaissances grâce à un effort systématique de réflexion et de conceptualisation;
- de comprendre les processus et les phénomènes qui se produisent dans la nature et dans la société.
Dans un tel contexte, la « science » est un concept très ouvert et flexible qui englobe le savoir sous diverses formes, indépendamment de la discipline universitaire ou du milieu.
À qui s’adresse la science?
En tant que droit humain, la science devrait s’adresser à tous. En fait, le droit de toute personne d’avoir accès aux connaissances scientifiques et de participer à leur construction a été entériné dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948. L’UNESCO travaille fort pour faire appliquer ce droit en appuyant et en encourageant la science ouverte. La science ouverte est un mouvement ayant pour but de :
- rendre la recherche accessible à quiconque s’y intéressant;
- partager les connaissances scientifiques de manière transparente au sein des réseaux de collaboration;
- permettre à tous de tirer facilement profit de la recherche scientifique.
Les efforts déployés par l’UNESCO en vue de formuler une recommandation sur la science ouverte témoignent de la valeur de la science en tant que bien commun. Il est évident que la science s’adresse à tous; elle est la pierre angulaire de notre cheminement vers la prospérité, la justice sociale et le respect de la planète.
Ces idées sont reprises par Budd Hall, cotitulaire de la Chaire UNESCO en recherche communautaire et responsabilité sociale en enseignement supérieur. Dans divers articles, il affirme que, pour qu’elle soit réellement ouverte, la science doit se faire avec et pour les communautés. Par ailleurs, l’ouverture permet aux citoyens de partout dans le monde de contribuer à la science « par le biais de la science citoyenne ou de projets de recherche-action participative ».
Par qui la science est-elle créée?
La Recommandation de l’UNESCO 2017 définit les chercheurs scientifiques comme étant ceux qui participent à la recherche et au développement. M. Hall et ses collègues soutiennent que la science devrait transcender les chercheurs et les institutions traditionnels afin d’inclure divers savoirs et systèmes de pensée, dont ceux qui « proviennent des peuples autochtones, des minorités et des cultures des pays du Sud ».
Les auteurs d’un rapport de recherche de 2019, préparé pour la CCUNESCO (La science, un droit humain?), partagent ces idées et soulignent le besoin « urgent d’élargir les frontières de la communauté scientifique pour faire en sorte que celle-ci reflète plus fidèlement la composition plurielle du corps social », notamment en ce qui concerne les femmes et les membres de la communauté LGBTQ2.
En outre, dans le dernier article publié par la CCUNESCO, des auteurs de La Revue canadienne d’expo-sciences soutiennent que les jeunes scientifiques méritent d’être davantage reconnus pour leurs contributions à la recherche scientifique axée sur les lieux et les solutions. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada soutient cette affirmation et encourage les jeunes à s’impliquer au sein du domaine de la science dès leur jeune âge en participant notamment à la Semaine de la culture scientifique et à certains projets comme Les Petits Inventeurs.
Autrement dit, la science devrait être créée « par » quiconque souhaitant y participer, et l’écosystème de la recherche scientifique devrait accueillir tous les esprits curieux.
Enfin, avec qui la science est-elle partagée?
En termes simples : la science est partagée avec les mêmes personnes à qui elle est adressée et par qui elle est créée. M. Hall et ses collègues soutiennent que, pour qu’elle soit réellement ouverte, la science doit être « fondée sur des valeurs de coopération, de partage, d’amitié, de compassion, de compréhension et de refus de séparer la recherche de la vie et des valeurs personnelles des chercheurs et chercheuses. »
Lorsque la recherche porte sur les Autochtones, les chercheurs devraient adopter une approche de collaboration. En effet, Élisabeth Kaine, cotitulaire de la Chaire UNESCO en transmission culturelle chez les Premiers peuples comme dynamique de mieux-être et d’empowerment, recommande de mesurer la qualité de la recherche autochtone en se basant sur la capacité des chercheurs à travailler avec, par et pour les Premières Nations.
Dans l’article intitulé Poursuivre l’excellence en recherche, les titulaires de chaires UNESCO du Canada mettent l’accent sur la nécessité de reconnaître les retombées de la recherche sur les communautés, y compris la manière dont la recherche pourrait influencer le renforcement des capacités et le leadership et contribuer au savoir du public.
Cela signifie que, de nos jours, la science doit être plus qu’un simple projet collectif pour, par et avec tous; en effet, la qualité de la recherche doit également être mesurée selon son degré d’accessibilité pour tous.
En fin de compte, la pandémie témoigne de la nécessité de bénéficier d’un accès ouvert au savoir scientifique et au partage de données scientifiques. Tandis que le monde entier continue de lutter contre la COVID-19, il est clair que seule une approche multidimensionnelle nous permettra de traverser cette crise. Autrement dit, il faut solliciter la participation non seulement des chercheurs, mais aussi des décideurs, des responsables des politiques, des industries, des professionnels de la santé et de la société civile dans son ensemble.