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Le doute, un remède contre les fausses nouvelles

03 septembre 2019

L'expression « arrêter la corruption » ou « la propagation de mensonges » symbolisée par une personne avec un long nez, qui se transforme graduellement en oiseaux qui s'envolent, représentant la métaphore de l'honnêteté et de la propagation des rumeurs, dans un style d'illustration en 3D.

De récentes études ont révélé des statistiques inquiétantes sur notre capacité de faire la différence entre les reportages trompeurs et le journalisme responsable – entre les « fausses nouvelles » et la vérité :

  • Selon le Pew Research Center, environ 64 % des Américains affirment que le phénomène des fausses nouvelles les rend confus quant aux sources auxquelles se fier.
  • Au Royaume-Uni, une commission créée en 2018 sur les fausses nouvelles et l’enseignement des compétences essentielles en littératie a conclu que moins de 2 % des jeunes Britanniques à qui on présentait six articles – quatre vrais et deux inventés – pouvaient distinguer ceux qui étaient authentiques de ceux qui ne l’étaient pas.
  • Un sondage mené en 2019 pour la Fondation pour le journalisme canadien a révélé que 40 % des Canadiens n’avaient pas confiance en leur capacité de faire la différence entre les vraies actualités et la mésinformation.

Comment en sommes-nous arrivés là?

À une certaine époque, la confiance de la population envers les médias était élevée. Jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, les organes de presse avaient le quasi-monopole de l’expression publique; ils avaient un certain contrôle de l’information qui était consommée par la population. Certains journalistes et publications étaient plus responsables que d’autres, mais les nouvelles objectivement inexactes voyageaient relativement lentement. Généralement, on croyait que si une nouvelle était dans le journal, elle devait être vraie.

Internet et les médias sociaux ont tout changé. N’importe qui peut maintenant être reporter ou éditeur, et la différence entre la vérité et la propagande est difficile à établir. Des « nouvelles » deviennent virales en quelques heures. La confiance envers les journalistes et les institutions démocratiques s’effrite.

Que faire?

Pour distinguer la vérité de la fiction, pensez en termes de prévention : « inoculez-vous » contre les fausses nouvelles avant d’en rencontrer. Soyez conscients des différents visages de la désinformation avant d’être en sa présence, et comprenez la logique fallacieuse de ses colporteurs.

Une façon de s’immuniser consiste à essayer de saisir les motivations et les stratégies de ceux qui répandent délibérément des fausses nouvelles en se mettant dans leur tête. Cela pourrait vous aider à reconnaître la désinformation lorsqu’elle se manifestera. (Pour tenter l’expérience de façon interactive, jouez à Bad News ou lisez cet article dans Rolling Stone.

 

Mésinformation: Information (...) considérée comme véridique par l'émetteur mais qui, en réalité, déforme les faits ou est erronée.

Désinformation: Information erronée ou déformant la réalité (...) dans le but de manipuler l'opinion publique.

Source: Grand dictionnaire terminologique, OQLF

Cela dit, même lorsque vous êtes inoculés, vous devez vous méfier de la tromperie. Voici quelques stratégies :

Connaître son comportement en ligne permet de décider objectivement si le partage est de mise. Le contenu a-t-il suscité chez vous de l’émerveillement, de l’engouement, de la rage, de la tristesse? Si oui, est-il possible qu’il ait été conçu délibérément pour provoquer une telle émotion? Cette « nouvelle » vise-t-elle à dénigrer ou à blesser une personne ou un groupe en particulier? Le seul fait qu’elle trouve un écho en vous ne signifie pas qu’elle est véridique. L’authenticité du contenu devrait être un de vos critères dans votre décision de le partager ou non.

Utiliser un service réputé de vérification des faits. Par exemple, le Détecteur de rumeurs, La vérif, Inspecteur viral ou Les décodeurs.

Aller au-delà du titre. Même le meilleur rédacteur est incapable d’inclure toutes les nuances d’une affaire en six mots. Avant de croire quoi que ce soit, lisez l’article du début à la fin. L’émission Quirks and Quarks de la CBC a un jour demandé à ses auditeurs s’ils croyaient que les titres qu’on leur présentait étaient vrais ou inventés. Qu’auriez-vous pensé du titre suivant? : « Atterrissage d’urgence survenu en raison des pets d’un passager ». Réponse : c’était vrai! Mais ce n’est pas l’odeur qui a forcé l’atterrissage, mais bien une bagarre entre deux hommes qui s’accusaient mutuellement d’être l’auteur des flatulences. Donc, c’est la bagarre, et non les pets, qui a provoqué l’atterrissage d’urgence. Vous ne l’auriez pas su sans lire jusqu’à la fin. Pour faire l’essai de ce jeu en français, visitez What the Fake.

Attention à la source. Certaines sources d’information ont pour raison d’être la promotion ou le dénigrement d’un point de vue ou d’un parti politique particulier, ce qui ne les empêche pas d’avoir une présentation hautement professionnelle. Demandez-vous toujours si une source d’information ne se cantonne pas à un seul point de vue.

Vérifier les dates et l’origine des photos. Il arrive que du contenu médiatique – y compris des images et des vidéos – qui était authentique lors de sa publication soit recyclé et utilisé hors contexte dans le but de tromper. Par exemple, en mai 2019, une conseillère principale du président Donald Trump a publié sur Twitter des images de roquettes [traduction] « tirées sur Israël depuis Gaza afin de saturer le système antimissile israélien Dôme de fer ». Les images dataient en fait de 2015 et avaient été filmées en Ukraine.

Savoir reconnaître la satire. Des publications comme the Onion, the Beaverton, The Borowitz Report, le défunt Journal de Mourréal, Le Canard enchaîné et Le Revoir se spécialisent dans le genre. Ces sites sont parfois si bien faits que leur véritable nature échappe à des lecteurs, qui croient avoir affaire à de l’information véridique. La vigilance est de mise, car la différence entre satire et journalisme authentique ne va pas toujours de soi! Par exemple, en 2015, the Onion a publié un article satirique intitulé [traduction] « Guantanamo Bay commence la construction d’un pavillon de soins aux personnes âgées », alors qu’en avril 2019, on apprenait dans un reportage authentique que Guantanamo se transforme en centre de soins pour personnes âgées suspectées de terrorisme.

Comparer avec d’autres sources. Tentez d’étayer les principaux faits. Cultivez le doute : vérifiez si les reportages d’autres organes médiatiques fiables sont semblables. Informez-vous des aprioris possibles de vos sources. Par exemple, ce graphique des partis pris des médias fait par Ad Fontes Media montre la place occupée sur le spectre politique par différents médias américains, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Choisissez des sources d’information qui sont au milieu, là où loge la neutralité.

Gérer sa diète médiatique. Soyez conscients de vos choix de sources d’information. Consultez différents organes médiatiques fiables, notamment ceux qui risquent de remettre vos principes en question. Pour comprendre le monde, il faut tenir compte de sa multiplicité de points de vue et consommer de l’information qui fera plus que simplement consolider ses croyances. En somme, la variété est primordiale.

Penser avant de partager. Nous sommes tous susceptibles à l’occasion de tomber dans le piège des fausses nouvelles, mais en partager une à 500 abonnés ajoute une couche de dommages. Une vaste étude de Twitter en 2018 a permis de constater que les faussetés ont tendance à se répandre plus rapidement et à atteindre un plus grand auditoire que les nouvelles légitimes. Examinez vos propres partis pris et motifs politiques avant de partager. Demandez-vous pourquoi telle ou telle publication est apparue dans votre journal. Qui en est l’auteur et quelle peut être sa motivation? Avez-vous reçu ce message en raison de vos paramètres de réseaux sociaux? Vous a-t-il été envoyé par vos amis ou vos abonnés? Par un algorithme?

Soutenir le journalisme responsable. Pensez un moment aux risques que présenterait pour la démocratie et la société un environnement médiatique dépourvu de journalisme fiable et professionnel. Dans le contexte actuel, consommer et partager les nouvelles de manière responsable est partie intégrante d’une bonne citoyenneté.

Ressources

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  • tag Éducation aux médias